Billet d'humeur - Severine Loureiro - Mon meilleur manager

Une histoire de suppô de Satan, de papier à cigarette et de labrador, bref une histoire de confiance et de mon meilleur manager !

Séverine LoureiroBillet d'humeur, Expérience Collaborateur, Marque Employeur & Culture Leave a Comment

Il n'est pas sur Linkedin ou même très connecté à internet, il ne lira jamais ce billet, à plus de 70 ans il est bien heureux loin des considérations RH et business, mais j'avais envie de vous parler du meilleur manager que j'ai eu.

Il m'a recruté quand j'avais 24 ans, j'avais eu de précédentes expériences en RH depuis la fin de mon DESS un an et demi plus tôt, et je resterais 12 ans dans le Groupe pour lequel il m'a recruté. Il avait 35 ans de plus que moi, une belle carrière d'ancien DRH d'un géant de l'agroalimentaire. Il m'a recruté pour un poste très particulier : monter et animer une cellule outplacement in situ. En clair, le groupe fermait et déménageait plusieurs sites en France, et plutôt que d'externaliser l'accompagnement et le reclassement des salariés concernés, il montait une task force de 4 personnes pour gérer les antennes emploi depuis l'interne, après une longue formation de plusieurs semaines avec un cabinet d'outplacement.

Moi j'étais affectée au site logistique de Rouen, j'y ai été postée pendant presque 1 an où je suivais le reclassement interne et surtout externe des 50 salariés du site. J'étais seule RH sur place, mon équipe et mon boss était à Paris, et je résidais à l'hôtel du lundi au vendredi. A 24 ans j'aime autant vous dire que c'était sport comme expérience, du fait bien évidemment de cette situation solitaire sur site et de l'autonomie et la responsabilité qu'elle demandait, mais surtout du fait que j'avais devant moi 50 salariés pour qui je n'étais rien de moins que la représentante à Rouen du suppô de Satan resté à Paris 👹.

Je sortais de mes 5 ans de psycho, motivée par les meilleures intentions du monde je crois que je n'avais pas bien saisi la situation avant d'être sur place : je me voyais en sauveur qui allait leur trouver un poste (ce que j'ai fait), ils me voyaient comme la bobo parisienne bras armé de leur licenciement. Le moins que l'on puisse dire c'est que, pendant les premiers mois, nos relations étaient pour le moins "glaciales ❄️", et quoi que je fasse pour les réchauffer était mal interprété. Au bout de 2 mois mon entrain naturel commençait à être bien entamé...

Mon manager, le DRH, était très présent, il m'appelait tous les matins notamment, il aurait été très bon en cette période de covid pour garder le lien avec ses équipes ! Il avait su me mettre si en confiance que je n'avais aucune crainte à lui exposer mes doutes et mon mal être face à la situation, et me sentant vraiment sur la corde au bout de deux mois il m'a imposé de prendre quelques jours de repos alors que nous avions des échéances importantes en cours. Vraiment je sentais que mon bien être et mon quotidien lui importait plus que le déroulé de la mission, ce qui n'était sans doute pas le cas en réalité, il y avait de gros enjeux à la réussite de cette antenne emploi car d'autres projets de fermeture étaient prévus dont les négos auraient été d'autant plus compliquées si la fermeture de "mon" site s'était mal passé...

Malgré tout, il a été patient pour m'aider à prendre du recul, il a su m'aider à prendre conscience que ce n'était pas à Moi que les salariés en voulaient, et que j'avais une obligation de moyens et non de résultats, leur reclassement dépendant en premier lieu de leur investissement personnel dans la démarche.

Mais surtout, il y a eu un événement fondateur pour moi dans notre relation managée - manager, un événement que je me suis souvent remémoré ces 16 dernières années.

Il y avait des réunions de suivi régulières avec les IRP et les représentants locaux. Au cours de l'une d'entre elles, mes chiffres ont été remis en question avec virulence (et sans justification in fine). Mon DRH n'a pas marqué un seul moment d'hésitation. Il ne s'est pas tourné vers moi pour m'interroger, ce qui m'aurait mis dans une position d'accusée ayant à se justifier devant l'assemblée. Non, il a répondu d'autorité que les chiffres étaient traçables et que le détail leur serait remonté. C'est la seule fois où le comité à remis en cause mon travail, voyant qu'il n'y avait pas de brèche ici, ils n'ont plus cherché à exploiter ce filon.

En sortant de la réunion, nous nous sommes retrouvés seuls mon DRH et moi et là il m'a demandé d'expliquer le point soulevé, ce que j'ai fait. Et puis à la fin de l'explication je lui ai dit que j'étais étonnée, que devant sa réaction en séance j'avais eu l'impression qu'il avait cette explication, mais je comprenais maintenant que le débat avait soulevé chez lui un doute qu'il avait totalement dissimulé.

Il m'a alors dit : "en terme de confiance, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre toi et moi. Je n'avais pas besoin d'avoir l'explication car je savais que si tu présentais ces chiffres c'est qu'ils étaient bons. En revanche, je suis ton manager et je dois m'assurer que rien ne t'a échappé, mais ça, je le ferai toujours après, pas devant d'autres personnes extérieures à l'équipe".

LE CHOC.

Me sentir dépositaire d'une telle confiance a tout changé pour moi, à ce moment là, mais même tout au long de ma carrière. Pour la mission à Rouen, cette confiance m'a donné la force de la prise de recul dans ce contexte compliqué, à tel point que j'ai fini par l'apprécier et que j'ai rempilé pour une seconde année et un second site en fermeture (à Nancy cette fois).

Il avait des défauts mon DRH, et je les voyais, mais j'ai compris que la confiance était ce qui distinguait les bons des mauvais managers.

La vraie confiance, celle qui ne laisse pas place à une feuille de papier à cigarette, pas celle feinte trahie par un coup de regard inquiet en réunion ou un mail qui demande des comptes avec 12 personnes en copie. Non, celle qui fait que le manager ne craint pas d'affirmer et de se mouiller parce qu'il sait qu'il peut le faire.

C'est cette confiance qui m'a fait adoré mes 8 années sous sa responsabilités malgré des désaccords, jusqu'à ce qu'il ne parte à la retraite.

C'est cette confiance qui a fait qu'après son départ, sa successeur m'a un jour dit que ma loyauté à mon ancien DRH lui faisait penser à un labrador ! Et je peux vous le dire à vous, comme je lui ai dit à elle : j'ai été très fière de cette comparaison 🐶

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