Billet d'humeur - Severine Loureiro - Est ce que travailler veut dire morfler

Est-ce que Travailler veut dire Morfler ?

Séverine LoureiroBillet d'humeur, Marque Employeur & Culture Leave a Comment

Dites, c’est juste moi qui n’ai pas compris ? L’entreprise aurait pour objectif subsidiaire de ne surtout pas faciliter la vie de ses collaborateurs ? Vous trouvez mes questions naïves ? Join the club, y parait que je le suis, naïve, et à vrai dire ce n’est pas quelque chose que je cherche à changer parce qu’être naïf permet de se poser quelques questions parfois généralement admises sans remise en cause, voyez par exemple celles-ci : est-ce que "travailler" rime avec "difficulté" ? en d’autres termes : est-ce que "travailler" veut dire "morfler" ?

C’est une remarque rapportée par un contact qui m’a plongé dans les affres de la réflexion. Cette remarque lui avait été faite par une DRH à propos du télétravail : "on se doute bien que le télétravail sert surtout aux femmes pour garder leur enfant le mercredi" lui a-t-elle dit. Il me racontait cet échange pour m’illustrer le chemin encore à faire dans les mentalités sur le sujet.
De mon côté ça m'a suscité la réaction suivante : "et alors ?"
Bah oui, et alors tant mieux non si l’organisation de l’entreprise permet à ses collaborateurs de voir leur quotidien facilité, non ?

Je trouve que cette question du télétravail cristallise pas mal ce vieux travers de l’entreprise qui consiste à penser que, dans la mesure du possible, il ne s’agit pas de faciliter la vie des collaborateurs "hey, on leur verse un salaire déjà donc bon...". Et aux cris d’orfraie que j’entends déjà en commentaires dire que faut pas exagérer, que c’est fini ce temps-là, je me réjouis de constater que je ne suis pas la seule naïve 🤗 👍

Je me souviens d’un de mes managers il y a plusieurs années, qui ne voulait pas que ses équipes fassent de déplacement en province le vendredi ou le lundi. A cette époque je me déplaçais sur site 2 à 3 fois par semaine découchant régulièrement telle une VRP du recrutement, seule, devant mes menus « étapes » avec crudités à volonté aux buffets des hôtels qui m’accueillaient, et je devais en plus l'écouter régulièrement commenter la politique voyage en ces termes : "l’entreprise n’est quand même pas là pour payer des AR en TGV qui permettent aux collaborateurs d’aller passer des weekends au vert !" #fichtre
En tête-à-tête, un jour je lui avais demandé "et pourquoi pas ?"
De toute bonne foi, il ne comprenait pas la question, mais vraiment, c’était une évidence pour lui, il ne comprenait pas la question que je lui posais : "pour quelle raison l’entreprise ne permettrait pas à un collaborateur de passer le weekend "au vert" donc, s’il remplissait sa mission sur place le vendredi mais qu’au lieu de se faire l’aller-retour fatiguant dans la journée il ne prenait son retour que dimanche soir (en restant à ses frais le weekend évidemment) ? Pour quelle raison ?"
Il m’avait répondu que me concernant il ferait des exceptions et que je pouvais partir quand je voulais... il n’avait donc pas compris la question.

Le sujet c’était bien la question naïve que je pose depuis le début, la question de l’infantilisation des collaborateurs, qui consiste à penser que si on lui facilite la vie il va en profiter pour en faire le moins possible et pour réclamer le plus possible. Il y a derrière cette question celle sous-jacente, et peut-être inconsciente, de malhonnêteté intellectuelle attribuée au collaborateur. Bien entendu, et bien heureusement, très peu de managers et de RH ne diraient cela aussi abruptement, ne le penseraient sans doute même pas, mais on le lit en sous-texte ici dans un accord de télétravail (pas de jour de télétravail les lundis ou vendredis par exemple), là dans une politique voyage, ou dans un accord GPEC, etc.

Et si c’est assumé, comme dans la réflexion de la DRH reprise au début de ce billet, si c’est assumé donc que l’entreprise n’a pas pour mission de faciliter le quotidien de ses collaborateurs, et que "travailler" doit effectivement rimer avec "morfler", alors on assume vraiment et on n’arrête de demander aux collaborateur de venir morfler de bonne humeur et on ne se plaint pas de leur éventuel manque d'engagement. La symétrie des attentions c'est aussi ça, une symétrie dans les réponses 😉

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